L'empowerment des jeunes des quartiers populaires dans les embrouilles de cités : de l'affrontement à l'expérience de deuil, de la jeunesse problème à la jeunesse ressource

Membres du jury

Résumé

Ce travail doctoral a consisté à analyser la place des jeunes dans la prise en charge éducative allouée aux embrouilles de cités (Mohammed, 2009). Notre démarche ethnographique s’est étalée d’octobre 2020 à octobre 2022 dans quatres villes de la banlieue parisienne dans une approche multi-située à l’école et hors école. Nous avons rencontré près de deux cents enquêtés (jeunes, acteurs éducatifs). Notre étude démontre ainsi que les acteurs éducatifs portent majoritairement un jugement moral et négatif sur les jeunes et leurs actions, les considérant comme incapables de donner du sens à leurs conduites sociales dites déviantes et les percevant sans cesse sous l’angle unique du problème. Pourtant, loin des représentations des adultes, l’analyse des discours de ces derniers affirme leur agentivité. Au-delà de l’analyse de leurs discours, leurs pratiques sociales dénotent une volonté de prendre le pouvoir sur leur expérience sociale, de s’engager, et de revendiquer leur droit de participer à la prise en charge des embrouilles pilotée par les adultes. Alors que les jeunes engagés dans les embrouilles sont souvent perçus comme posant des problèmes aux institutions (Moignard, 2007, 2018), la prise en charge institutionnelle des embrouilles de cités peut également être perçue comme posant des problèmes aux jeunes. Elle est en effet perçue négativement par les jeunes concernés par ces violences, ayant pour principal effet de les silencier et les réduire à la passivité. Dans le même temps, le traitement institutionnel de la question oscille entre réunionite, effets d’annonce, et révèle de réelles difficultés pour les acteurs de terrain à travailler ensemble. Il met ainsi en lumière des formes d’embrouilles, d’affrontements et de rivalités chez les adultes. Face à un déni de reconnaissance (Honneth, 2007) et la perception de la non-action des institutions et des professionnels, les habitants des quartiers populaires (jeunes et acteurs associatifs) cherchent à agir de manière concrète en ritualisant leurs expériences de deuil et en s’organisant collectivement pour lutter contre ces violences et surmonter les épreuves engendrées par leur tentative d’empowerment. En filigrane de ce travail, nous avons porté une attention particulière sur l’imbrication des postures de chercheuse et d’artiste, questionnant ainsi dans quelle mesure cette rencontre peut constituer une émancipation scientifique, contribuer à accroître notre engagement sociologique en rendant visible et en dénonçant les violences étudiées mais aussi comment la pratique artistique peut constituer une méthode de restitution par le sensible. Enfin, nous avons considéré la pratique plastique comme un espace permettant à la chercheuse de donner une place à son « je », souvent invisibilisé par le « nous » scientifique.

Mots-clés: expérience sociale-jeunesses populaires-épreuve-banlieue-violence-sensible-engagement-empowerment- agentivité-ghetto-embrouille de cités-deuil- rituel- travailler ensemble