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Rencontre avec Magali Brunel
Première séance du séminaire ELEC (Ecole et littérature de l'extrême-contemporain).
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Le séminaire a lieu à distance et de 17h à 19h.
Participation libre sur inscription à partir du formulaire suivant : https://forms.gle/55R5qUJKfPXVJzsi7.
Un lien de visioconférence sera envoyé aux inscrits avant chaque séance.
Responsables : Anissa Belhadjin (anissa.belhadjin@cyu.fr) et Pierre-Louis Fort (pierre-louis.fort@cyu.fr)
En France, les textes étudiés dans l’enseignement secondaire sont principalement issus du patrimoine littéraire dont Houdart-Mérot (2015) date l’émergence – en tant que notion – à la fin du XIXe siècle. Visant la « formation morale et patriotique » (« Instructions ministérielles » de 1937, reprises par Houdart-Mérot), l’étude de la littérature a pour but l’émergence d’une culture et d’une identité proprement nationales, en s’appuyant sur l’étude des auteurs fondant le « génie national ». Le patrimoine est alors constitué essentiellement des « œuvres littéraires sélectionnées pour leur excellence esthétique et morale, les deux étant indissociables, œuvres du passé exclusivement » (Houdart-Mérot, nous soulignons).
Houdart-Mérot rappelle qu’il faut attendre les programmes de 1987 pour qu’apparaisse l’étude des écrivains vivants. Trente ans plus tard, la nécessité de penser et enseigner la littérature « jusqu’à la période moderne et contemporaine » semble rappelée comme une évidence par les derniers programmes en date (2019). La critique a d’ailleurs souligné l’importance de ce tournant vers le contemporain qui prend ses sources dans les années 1980. Dès 1982, dans la réédition de leur ouvrage La Littérature en France depuis 1945, Vercier et alii écrivent ainsi : « Il fut un temps, qui n’est pas si lointain, où les programmes se gardaient bien de toucher au monde contemporain. Ce temps est désormais révolu : nos élèves, nos étudiants, nous-mêmes, n’acceptons plus d’être coupés du présent » (Bersani, Lecarme, Vercier, 1982). Ce faisant, ils mettent en avant la présence d’œuvres relevant de ce qu’on appelle couramment depuis 1986 « l’extrême contemporain » (Chaillou, 1987) et que la critique ne cesse d’interroger pour essayer de le saisir : Qu’est-ce que le contemporain ? s’interrogent Agamben (2008) et Ruffel (2010), comment est-il construit ? se demandent Dion et Mercier (2019). Les ouvrages portant ces liens entre contemporanéité et littérature se sont d’ailleurs multipliés au cours des deux dernières décennies, preuve de la vivacité du champ et des interrogations critiques qu’il soulève : questionnements sur le Roman français au tournant du XXIe siècle (Dambre, Mura-Brunel, Blanckeman, 2004), travaux sur Le Roman de l’extrême contemporain (Havercroft, Michellucci, Riendeau, 2010), réflexions autour des « narrations du nouveau siècle » (Havercroft, Blanckeman, 2013).
Au-delà des apories définitionnelles soulevées par cette littérature (Viart, 2019) dont les spécialistes proposent différentes désignations, qu’on l’appelle de « l’immédiat contemporain » (Blanckeman, 2013) ou « relationnelle » (Viart, 2019), son existence même à l’école est un fait majeur en ce qu’elle interroge et décentre les représentations (des acteurs et du corpus), les usages scolaires, et notre rapport au patrimoine et à la classicisation : comment sont alors choisies les œuvres introduites à l’école ? Si l’on considère implicitement que les œuvres littéraires qui font partie du corpus de l’école sont un héritage (c’est bien l’idée du patrimoine), que seraient les œuvres contemporaines ?
En 2008, Maingueneau déterminait trois fonctions de la littérature enseignée, dont deux lui semblaient disparaître avec la littérature contemporaine : la fonction patrimoniale et la fonction historique. À l’identité collective, la littérature contemporaine substituerait le vécu du lecteur, à l’épaisseur historique la proximité de l’immédiat. Et il ajoutait que l’enseignement était réfractaire à cette immédiateté. Or la consultation des manuels récents semble témoigner d’un goût plutôt prononcé pour la littérature contemporaine. Annie Ernaux par exemple est très présente dans les manuels édités à l’occasion des nouveaux programmes mis en œuvre en 2000 (Fort, 2020). Les expériences professionnelles vont également dans ce sens, surprenant parfois les élèves pour qui on n’étudie que les « auteurs morts » (Lasserre, 2017), alors même que la « fortune scolaire » (Denizot, Mercier, 2006) d’auteurs comme Emmanuel Carrère n’est aujourd’hui plus à démontrer.
C’est ce dialogue entre les œuvres récentes et l’école que l’on entend interroger en développant plusieurs axes, qui sont destinés à entrer en résonance avec d'autres recherches comme celles menées par l'équipe PELAS (S. Ahr) :