Le projet scientifique du laboratoire ÉMA

Créée le 1er janvier 2010, l’équipe d’accueil École, Mutations, Apprentissages (EMA) est un laboratoire de recherche de CY Cergy Paris Université implanté à Gennevilliers qui articule les sciences de l’éducation & de la formation et les didactiques autour des évolutions de l’école et de la formation. Principal laboratoire d’adossement des masters mention « Métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation » (MEEF), il est aujourd’hui fort de 31 enseignants-chercheurs permanents dont 9 professeurs d’université.

À l’ère du numérique, de l’individualisation des apprentissages, de l’ouverture de l’école sur la société et des débats sur la forme scolaire, le monde éducatif est en pleine mutationLe laboratoire ÉMA cherche à analyser ces évolutions, à concevoir les nouvelles problématiques qui en résultent et à envisager des alternatives en expérimentant, en contexte éducatif comme en formations professionnelle et universitaire, d’autres possibles.

Quatre champs

Cette ambition nécessite d’interroger les dynamiques du monde éducatif, ses politiques de formation (champ « Formation et professionnalisation ») et le jeu des acteurs qui agissent sur les pratiques et les usages liés aux apprentissages (champ « Acteurs, politiques et pratiques »).Nous étudions aussi les ressources à partir desquelles sont construits les savoirs pour rendre compte de ce qui, à travers la spécificité des objets enseignés, explique ce qui est appris (champ « Savoirs et ressources »). Enfin, nous souhaitons interroger la diversité des espaces et des formes d’apprentissage dont les membres du laboratoire analysent les enjeux dans et hors de l’école (champ « Formes et espaces »).

Ces champs, en inter-relation dynamique, réunissent des objets : ils sont le lieu d’une réflexion sur les références qui leur sont associées et sont conçus pour initier ou favoriser les croisements, fertiliser les travaux et situer les analyses, à un moment donné, dans un espace commun, sans conduire les membres du laboratoire dans des directions exclusives les unes des autres. ÉMA dispose d’une expérience importante en matière de recherche collaborative dans les domaines éducatif, sanitaire et social.
 

Quatre opérateurs

Concevoir un questionnement pluriel pour étudier les évolutions du monde éducatif, identifier les schèmes mobilisés par les chercheurs et ce qu’ils apportent (sur la forme scolaire, sur les rapports entre institution scolaire et autres institutions d’éducation et de formation, sur les didactiques des disciplines, etc.) nécessite d’intégrer des approches multi-référencées. C’est pourquoi le laboratoire tire profit de quatre opérateurs pour mener à bien son projet : l’analyse épistémologique, la réflexion méthodologique, la transversalité ainsi que la multi-référentialité. Le travail réalisé à l’appui de ces opérateurs contribue à stimuler l’activité de recherche et de création scientifique du laboratoire dans son rapport avec le contexte spécifique d’interaction entre ses membres. La pluridisciplinarité permet de penser les relations entre recherche et formation dans le cadre des INSPÉ. La multi-référentialité explicative (Ardoino, 1993) est convoquée pour favoriser les échanges critiques et les complémentarités disciplinaires ou méthodologiques (approches historiques, approches didactiques, analyse de pratiques, analyse sociologique, approches cliniques, compréhensives, etc.). Ainsi, le laboratoire se donne pour mission d’analyser non seulement les situations, les acteurs, les pratiques, les savoirs, les corpus d’objets mais aussi la façon dont se construisent et s'hybrident les savoirs qu’ils produisent.

Les quatre champs de notre projet scientifique

Formation et professionnalisation

Mots clés : écrits professionnels ; offres de formation ; relation pédagogique ; médiation ; engagement ; autoformation entre pairs ; accompagnement

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Dans ce champ, les travaux du laboratoire s’interrogent sur les questions portant sur la formation et la professionnalisation, notamment en INSPÉ. L’accompagnement pédagogique et professionnel des formateurs du supérieur (en transversalité à l’université et aux instituts de formations sanitaires et sociales) fait également l’objet d’une préoccupation particulière.

En s’appuyant sur les divers travaux réalisés ou engagés dans le laboratoire sur les écrits professionnels, les mémoires, le rapport à l’écrit, l'analyse collaborative de situations professionnelles et l'usage du numérique participatif pour le développement de l'auto-formation entre pairs, les membres du laboratoire restent attentifs aux mutations de la formation aux métiers de l’éducation et de la formation dans le nouveau contexte de l'alternance et de l'universitarisation. Ils travaillent sur la notion de médiation dans le champ de l’éducation, sur les questions d’autorité ainsi que sur la pédagogie du supérieur en s’appuyant sur les ressources pédagogiques et didactiques du laboratoire (Léa-Ifé mené avec l’ENSIACET de Toulouse par exemple).

Certains travaux sont articulés au réseau Pédagogie Institutionnelle International. Le développement d’une recherche qualitative transversale s’appuie aussi sur le réseau scientifique international RechercheAvec. On interroge les mutations de la posture de l’enseignant-chercheur en éducation, du moins celles qui sont induites par sa participation à des recherches à caractère collaboratif et clinique. Les membres du laboratoire s’attachent ainsi à contribuer à l’aménagement d’espaces d’analyse des pratiques de recherche pour mettre en dialogue différentes approches collaboratives et cliniques des métiers de l’accompagnement (éducatif, social et sanitaire) ; ceci en interrogeant les fondements épistémologiques et méthodologiques de la démarche.

Savoirs et ressources

Mots clés : savoirs de référence ; genres et savoirs scolaires ; pédagogies ; didactiques ; disciplines d’enseignement ; manuels ; œuvres ; numérique ; médias ; usages

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En relation avec la nouvelle transversalité associée à la dimension réflexive et historiographique des approches développées dans le laboratoire, les travaux s’attachent à investir les questions disciplinaires et didactiques tout en s’interrogeant, ici comme dans les autres champs, sur les évolutions du métier d’enseignant et des autres professionnels de l’éducation et de la formation. L’épistémologie des savoirs enseignés et le rapport entre épistémologie et formation sont étudiés pour mieux comprendre les mutations en cours. On tente d’évaluer les transformations situées, actuellement, entre la formation initiale et la formation continue dans le cadre des INSPÉ : c’est ce qui permet de questionner, ainsi, l’historicité du « genre » (Clot Y. & Faïta D. (2000), « Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes », Travailler, 4, p. 7-42) identifiée pour caractériser la profession enseignante. Ce travail peut concerner les différents niveaux de l’enseignement général et professionnel mais aussi d’autres structures éducatives. Une ligne de travail s'intéresse aux savoirs professionnels des enseignants en situation et notamment aux savoirs relatifs à la pédagogie, la conduite de classe, l'analyse et la gestion des situations (projet LéA – GPS-LIMAY). Une thèse en cours tente par ailleurs d’étudier la manière dont les jeunes enseignants mettent en œuvre les savoirs acquis en formation ou construits au cours de leurs études antérieures dans le domaine de la littérature de jeunesse.

L’approche historique et épistémologique des savoirs et des disciplines d’enseignement est multi- et transdisciplinaire (français, géographie, etc.) : elle s’appuie sur des travaux antérieurement menés dans le laboratoire et qui sont réactualisés (notamment : Histoire de l’enseignement de la littérature comparaison européenne : Hélice). Comme la transformation des pratiques ne saurait être indifférente aux objets que l’on enseigne, on analyse les ressources mobilisées en contexte scolaire, qu’elles soient artistiques, médiatiques, numériques ou livresques et on s’interroge sur les objets enseignés dans plusieurs disciplines, ainsi que sur les manières de les enseigner. Les analyses sur la littérature illustrée développées dans le cadre de la didactique du français, comme les travaux menés sur l’enseignement de la littérature, son histoire et ses supports concourent par exemple au développement de telles approches. Les réélaborations constitutives des savoirs et de la façon dont ils sont enseignés sont appréhendés dans un cadre analytique multiréférencé. L’étude des pratiques langagières sont saisies dans sa tension entre transversalité et spécificité disciplinaire : l’exploitation de corpus de productions scolaires nourrit une didactique de la langue des usages vers les concepts, susceptible d’outiller les enseignants (Scolagram, Corpus ÉMA sur ORTOLANG). En approfondissant l’étude des relations entre activité langagière, médiations et apprentissages en milieu scolaire, on appréhende plu

s finement la reconfiguration des savoirs sur la langue et les textes.

Quelle que soit la discipline, les articulations entre les savoirs prescrits, les savoirs enseignés et les savoirs appris constituent donc un axe fort de recherche pour appréhender le plus finement possible la complexité des situations d’enseignement, d’éducation et de formation.

Acteurs, politiques et pratiques

Mots clés : politiques éducatives ; publics ; citoyenneté ; inclusion ; diversité ; dispositifs ; nouvelles professionnalités ; pratiques associatives.

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À côté des travaux évoqués en amont, le laboratoire mène des travaux sur les politiques éducatives et sur leurs acteurs. C’est ce qui est visé par les démarches collaboratives déjà mobilisées à ÉMA, telle la socio-clinique institutionnelle ou plus largement des démarches de recherche-action et recherche-intervention. Des investigations continuent à être menées sur l’éducation inclusive, sur les effets des formations et, plus largement, sur les relations entretenues par les professionnels et les usagers du travail social (collaboration avec le GIS Hybrida et recherches doctorales menées dans le domaine). Diverses études de pratiques sont conduites afin d’identifier les mutations de l’exercice des métiers de l’éducation. Elles s’appuient sur des recherches-actions collaboratives menées avec les praticiens (Léa-Ifé à Grigny et Limay, programmes dans les écoles primaires de Saint-Denis, au Lycée de la Nouvelle Chance à Cergy – FESPI -, au Lycée Feyder d’Epinay-sur-Seine ou avec le Programme de réussite éducative de Gennevilliers, pour exemples).

Des pistes complémentaires sont explorées pour penser transversalement les différents secteurs éducatifs face aux transformations en cours. On réfléchit aussi, dans le cadre des INSPÉ, au repositionnement de tous les acteurs concernés par la formation. Les recherches s'intéressent à la diversité des acteurs assumant différentes responsabilités (accompagnement, tutorat, mentorat…) ou des intervenants non professionnels dans les secteurs de l’éducation, de l’animation ou de la jeunesse. Dans une perspective épistémologique mais également sociologique, on s’assure ainsi d’une réflexion portée sur ce qui définit des territoires professionnels (sectoriel, intersectoriel, interface, polyvalence) fondés sur des hiérarchisations et des (dé)qualifications qui produisent, nolens volens, des sphères de légitimité différenciées. Dans ce champ, les fronts de recherche s’avèrent nombreux et les directions complémentaires, certaines demeurant attachées aux réflexions axées sur la citoyenneté. On s’intéresse, par exemple, aux cours de français en module d’accueil pour les migrants et on questionne l’évolution de la prise en compte de la culture d’origine des élèves allophones nouvellement arrivés par les enseignants (dispositif UPE2A). Corrélativement il s’agit d’examiner la façon dont l’engagement des jeunes et leur accompagnement dans des pratiques artistiques et culturelles contribuent à les rendre davantage acteurs/auteurs dans les sphères éducative, professionnelle, économique ou politique.

Formes et espaces

Mots clés : territoires éducatifs ; espaces d’apprentissage ; forme scolaire ; espaces de socialisation ; patrimoine ; partenariats

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C’est en nourrissant une attention particulière sur les formes et les espaces d’apprentissages que les chercheurs prennent en compte la pluralité des dimensions contributrices du fonctionnement de l’école. L’étude est conçue de façon transversale et multiréférencée, dans une perspective soucieuse de saisir la manière dont sont construits les apprentissages dans et hors de l’école. Dans l’enceinte de l’école et les salles de classe, d’abord, en réfléchissant sur l’articulation entre apprentissage et espace. Dans les salles de classe persiste un modèle ancien d’organisation de l’espace d’apprentissage qui n’est pas indifférent aux perspectives de contrôle et qui donne, sans doute, matière à discuter de la mission émancipatrice des sujets par l'École. La réflexion est utile pour repenser la "forme scolaire" et la manière dont elle vient configurer les postures des acteurs, qu’il s’agisse des enseignants ou des élèves. Il y a donc là matière à interroger non seulement les territoires de l’école, la façon dont ils sont investis mais aussi les finalités qui les sous-tendent; des spatialités particulières sont susceptibles de se déployer à travers le lien (géographicité) tissé entre les espaces d’apprentissage et leurs usagers. La façon dont l’espace scolaire est représenté ou parcouru est susceptible d’être articulée aux appartenances sociales qui orientent les parcours individuels. Mobilisant des chercheurs de plusieurs disciplines (géographie, arts, sciences de l’éducation), une étude sur la dispositio dans les lieux d’éducation pourra être menée. Le laboratoire souhaite y associer des écoles innovantes, des collectivités territoriales ainsi que des écoles d’arts, de design et d’architecture et il réfléchira aussi à l’instruction obligatoire donnée hors de l’école. Certains membres travaillent déjà sur ce thème (projet ANR SociogrIEF) car il s’agit de comprendre si et comment l’instruction en famille témoigne d'une reconfiguration des modalités de gouvernement public de l’éducation des mineurs comme d'une possible mutation des modalités pédagogiques et éducatives (notamment en "unschooling"). Enfin, les lieux d'éducation alternative font l'objet d’une recherche partenariale au sujet des identités et pratiques enseignantes en instruction en famille et en établissements privés hors contrat (projet PHEDESCO : Nouveaux phénomènes de déscolarisation). C'est donc de façon complémentaire qu’ÉMA continue à interroger les mutations institutionnelles et organisationnelles en œuvre dans les métiers de la relation, ainsi que leurs multiples effets.